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Mais où est le monde sans frontières où étudiants, touristes, migrants, marchandises circulaient sans entrave ? Depuis l’entrée dans le XXIe siècle, on ne compte plus les murs qui se dressent partout sur la planète.
La question du contrôle des flux de population est devenue d’ailleurs un enjeu majeur des débats politiques, aux Etats-Unis entre Kamala Harris et Donald Trump, dans la compétition pour remporter l’élection présidentielle du 5 novembre, mais aussi au sein de l’Union européenne, au Royaume-Uni, avec les traversées périlleuses de la Manche, au Proche-Orient entre Israël et Gaza… Au point que le politiste Damien Simonneau, auteur de Pourquoi s’emmurer ?, évoque une « frénésie planétaire » pour qualifier cette tendance lourde.
Maître de conférences à l’Institut national des langues et des civilisations orientales, l’auteur identifie trois fonctions au mur. S’il est d’abord un outil militaire qui permet une stratégie de défense du territoire, il s’est depuis en grande partie dématérialisé en regroupant un ensemble de technologies de pointe (biométrie, drones, radars, capteurs) qui permettent d’opérer les contrôles. Enfin, le mur est avant tout un checkpoint qui démontre sa capacité à trier. Il filtre des circulations jugées tantôt désirables, tantôt indésirables et, ce faisant, se révèle un accélérateur des inégalités au niveau mondial.
Damien Simonneau observe que « l’obsession du mur » (titre de son précédent ouvrage paru en 2020, chez l’éditeur suisse Peter Lang) a deux conséquences graves. D’une part, elle nourrit les peurs et les fantasmes d’invasions migratoires, qui occupent une place trop importante dans l’agenda des responsables politiques occidentaux. D’autre part, cette obsession entraîne un lourd bilan humain, avec à la clé, un nombre toujours plus important de morts, et elle entrave la liberté de circulation. En résumé, « les murs sont coûteux, largement inefficaces dans leur fonction de contrôle des mobilités et attentatoire aux droits des individus », explique-t-il.
En juillet 2009, alors étudiant, il avait été marqué par l’absurdité du contrôle, fait par deux jeunes soldats israéliens, d’un travailleur palestinien sur la ligne verte qui sépare les deux territoires. Quinze ans plus tard, on n’ose imaginer la situation. C’est la raison pour laquelle Damien Simonneau entend lutter contre les idéologies de repli et d’enfermement diffusées par les promur.
Si le mur est assurément « synonyme d’échecs politiques », on peut, face à l’argumentation de l’auteur, objecter que la frontière est aussi une porte, dont le degré d’ouverture est un indicateur. A contrario l’absence de frontières crée des murs. Ayant étudié la militarisation des frontières en Israël et aux Etats-Unis, l’essayiste pourrait peut-être se pencher sur la frontière chinoise, voire prendre du recul historique en analysant pourquoi la révolution russe a été suivie par la mise en place de rideaux de fer dans toute l’Europe centrale et orientale.